50 ans sur la Lune : De Saturn 5 au SLS via Boeing

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Le lanceur Saturn 5 d'Apollo 11 à Cape Canaveral. Crédit : Nasa.
EN ACCÈS LIBRE – Le lanceur géant Saturn 5 est devenu l’une des icônes du programme Apollo ; pourtant, il n’était pas le choix initial pour le débarquement lunaire. En cinquante ans, les industriels qui l’ont réalisé se sont tous fondus au sein de Boeing, en charge de la réalisation de son successeur.

Lorsque John F. Kennedy lance la course à la Lune, le moyen physique d’expédier des humains vers l’astre des nuits est encore loin d’être défini. Le programme Apollo a déjà été décidé par la Nasa comme un successeur à Mercury, mais l’objectif lunaire n’était initialement qu’un parmi d’autres et les études de concepts sont légions.

Au sein de l’Agence des missiles balistiques de l’US Army (ABMA), à Huntsville en Alabama, l’équipe de Wernher von Braun a été à l’origine des missiles Redstone et Jupiter ainsi que de leurs dérivés spatiaux Juno 1 et Juno 2 auxquels les États-Unis doivent leurs premiers succès spatiaux. Elle a aussi étudié un lanceur lourd, le Juno 5, pour mettre sur orbite de futurs gros satellites militaires.

Lanceurs de toutes tailles pour toutes missions

Intégrés à la Nasa, comme embryon de ce qui allait devenir le centre spatial Marshall, ces anciens de l’ABMA vont développer ce lanceur sous le nom de Saturn. Le premier étage de Saturn 1 est tiré de Cape Canaveral avec des étages supérieurs factices le 27 octobre 1961, cinq mois après le discours du président au Congrès.

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Le tout premier lanceur Saturn, avec ses étages supérieurs factices. Crédit : Nasa.

Ce Saturn 1 est le tout premier lanceur spatial à ne pas être dérivé d’un missile balistique. Ce n’est qu’un vol suborbital mais avec ses 400 t, il s’agit alors aussi du plus gros lanceur à avoir jamais décollé, ce que les Américains ignorent, faute d’information sur ce qui se trame en Union Soviétique. En effet, à cette époque, ils pensent au contraire être en retard sur leurs homologues d’URSS.

Ce lancement de Saturn 1 est le premier à être retransmis en direct à la télévision.

À partir du Saturn 1, Wernher von Braun et la Nasa ont imaginé toute une panoplie de lanceurs de tailles et d’architectures différentes pour répondre à tous les besoins et à toutes les missions. Les plus grosses versions, Saturn C-4 et C-8, auraient pu être équipées d’un premier étage propulsé par respectivement quatre et huit moteurs géants F-1 de 7 000 kN dont le développement a été lancé par l’US Air Force dès 1955. Elles auraient pu servir à des vol circumlunaires. L’alunissage direct aurait nécessité un lanceur encore plus gros, le Nova, dont l’architecture ne sera jamais finalisée.

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Wernher von Braun (au centre) et John F. Kennedy (à dr.) avec une maquette de Saturn 1. Crédit : Nasa.

En juillet 1962, la décision de ne pas poser directement la capsule Apollo à la surface de la Lune, mais d’utiliser un module lunaire pour faire l’aller-retour entre l’orbite et la surface va permettre de finaliser l’architecture avec un lanceur moins ambitieux. Ce Saturn C-5, qui deviendra Saturn 5, est doté de cinq moteurs F-1 au premier étage, et son développement est entériné le 21 décembre 1961.

La Nasa n’a pas attendu de finaliser cette architecture pour sélectionner les maîtres d’œuvre des trois étages. À cette époque, le secteur aéronautique est florissant et des douzaines d’industriels sont sur les rangs.

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L’équipe industrielle de Saturn 5 en 1963. Crédit : Nasa.

Des étages cryotechniques par Douglas et North American

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Deux étages S-4B en intégration chez Douglas. Crédit : Nasa.

Le 19 avril 1960, Douglas Aircraft est sélectionné pour le développement de l’étage cryotechnique S-4 de Saturn 1. Celui-ci évoluera pour devenir le S-4B qui servira de second étage au Saturn 1B et troisième étage au Saturn 5. D’un diamètre de 6,6 m, pour 17,8 m de haut et 13,5 t à vide, cet étage emporte dans sa version finale jusqu’à 109 t d’oxygène et hydrogène liquides, soit l’équivalent de 7,3 fois l’étage supérieur ESC-A d’Ariane 5. Trente-et-un étage ont été construits à Huntington Beach dans la banlieue de Los Angeles, dont deux ont été convertis en stations Skylab (une seule a été lancée). Seuls vingt S-4B ont volé en tant qu’étages propulsifs.

Le 11 septembre 1961, North American Aviation a été retenu pour réaliser l’étage cryotechnique S-2. Celui-ci est développé et fabriqué à Seal Beach, également dans la banlieue de Los Angeles. Avec ses 10 m de diamètre pour 25 m de haut et une capacité d’emport de 481 t d’oxygène et hydrogène liquides pour une masse à vide de 36,2 t, le S-2 est l’un des plus gros étages cryotechniques jamais réalisés puisqu’il représente l’équivalent de près de trois étages principaux d’Ariane 5 ou de 2,4 étages principaux de Delta 4. Ce record de taille ne sera dépassé qu’en 1987 avec l’étage principal du lanceur Energiya et ses 820 t d’ergols.

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Un étage S-2 hissé pour un essai au banc en 1967 sur le site de Stennis, au Mississippi. Crédit : Nasa.

De son côté, Boeing est choisi le 15 décembre 1961 pour réaliser un étage qui deviendra le S-1C, produit dans l’usine de Michoud en Louisiane.

De fusions en acquisitions

En 1960, Douglas est aussi le maître d’œuvre du missile Thor, à l’origine des filières de lanceurs Thor-Agena et Delta, ainsi qu’un important avionneur civil avec ses quadrimoteurs DC-8 et le développement du trimoteur DC-10. Le 28 avril 1967, la firme fusionne avec McDonnell pour devenir McDonnell-Douglas. Trente ans plus tard, le 1er août 1997, McDonnell-Douglas est absorbé par Boeing.

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Le transport des S-4B est réalisé avec le Boeing « Pregnant Guppy », précurseurs des actuels Beluga d’Airbus. Crédit : Nasa.

North American Aviation, qui a également été retenu pour développer la capsule Apollo sur la base de son expertise héritée de l’avion fusée X-15, est aussi en 1961 le maître d’œuvre du bombardier nucléaire trisonique B-70 Valkyrie dont le développement sera interrompu en 1962 et les prototypes transformés en avions expérimentaux de la Nasa.

En mars 1967, North American fusionne avec Rockwell-Standard pour former North American Rockwell, futur maître d’œuvre de la navette spatiale, du bombardier B-1B Lancer et des premiers satellites du système de navigation GPS. Les divisions défense et espace de Rockwell sont cédées à Boeing en décembre 1996 et deviennent Boeing North American, avant d’être diluées au cours d’une restructuration.

Héritier des concepteurs des trois étages de Saturn 5, Boeing réalise aujourd’hui le corps central cryotechnique du SLS et ses étages supérieurs.

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Un technicien de Boeing effectue une soudure à l’intérieur du réservoir d’hydrogène de l’étage principal du SLS. Crédit : S. Seipel – Nasa – Michoud.

Pourtant, l’industriel a fait un retour difficile dans le domaine du cryotechnique en 1998 avec l’étage supérieur du lanceur Delta 3 qui a connu trois échecs en trois vols. Cet étage est néanmoins à l’origine de l’étage supérieur du Delta 4, dont une variante ICPS (Interim Cryogenic Propulsion Stage), équipera les premiers exemplaires du lanceur SLS dans sa version Block 1.

Boeing développe aussi un étage plus évolué, l’EUS (Exploration Upper Stage) pour les SLS Bk1B et Bk2. La propulsion de cet étage, avec quatre moteurs RL10 de dernière génération, est similaire à celle du S-4 des premiers Saturn 1 qui utilisait six RL10 de première génération.

Retour à notre série : Apollo, un héritage industriel cinquantenaire.

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