Dans le grand classique de J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, deux des héros hobbits sont confrontés à un peuple d’arbres anthropomorphes, les Enths, qu’ils tentent de convaincre de participer à la guerre contre les forces obscures qui envahissent la Terre du Milieu. Après des heures de palabres interminables, l’Assemblée des Enths parvient enfin à se mettre d’accord : leurs interlocuteurs sont bien des Hobbits. Difficile de ne pas penser au désarroi légitime des personnages du roman en assistant à la conclusion du 10e conseil spatial européen qui s’est tenu le 20 novembre.
Sur la question épineuse et urgente de l’établissement d’un système de gestion du trafic orbital, les 22 États membres de l’ESA et les 27 de l’Union européenne ont convenu… de coordonner leur position pour négocier ensemble au niveau international. Pendant ce temps, SpaceX continue de lancer en moyenne 75 satellites Starlink par mois et sa constellation représente entre 35 et 40 % des satellites actifs sur orbite basse. En pratique, Elon Musk a déjà le nombre pour lui s’il veut imposer sa loi… ou soutenir celle des États-Unis, avant que la Chine ne se tente à égaliser le score.
Cela n’empêche pas les ministres européens de se congratuler sur les succès passés – qu’il faut consolider – et de se mettre d’accord pour parler d’une seule voix, tout en poussant chacun en avant son propre projet fétiche : microlanceurs privés pour les Allemands, spatioports alternatifs à Kourou pour les Portugais et les Scandinaves. Mais ni le budget spatial de l’Union pour 2021-2027, ni l’accord-cadre délimitant les rôles de l’ESA et de la nouvelle Euspa (EU Space Programme Agency) ne sont finalisés.
Tout espoir n’est pas perdu cependant. Chez Tolkien, lorsque les Enths finissent par entrer dans la bataille, ils changent le cours de la guerre.