L’art du « en même temps » est délicat et difficile à manier. Après des années de pratique, les Allemands sont arrivés à une maîtrise dont peut à peine rêver le président français. Prenons en exemple l’accord de coalition, signé fin novembre par les trois partis qui se partageront désormais le pouvoir à Berlin. Les socialistes du SPD donnent les lignes directrices, aussitôt amendées par les exigences des écologistes Grünen, avant une conclusion signée par les libéraux du FDP.
Au sujet du transport aérien, cela donne : « Nous voulons développer l’économie du transport aérien et de son industrie de façon durable et plus efficace [SPD], le tout en imaginant un concept de transport aérien qui permette de meilleures liaisons ferroviaires pour réduire le nombre de vols court-courriers [Verts]. L’Allemagne doit être moteur dans la création d’un transport aérien neutre en carbone, en restant dans le cadre d’une concurrence internationale juste [FDP]. » Tout le reste de l’accord est du même acabit, balançant si bien entre la gauche et la droite qu’il revient, comme un culbuto, toujours au milieu.
Ces compromis assurent aux vieux électeurs allemands – 30 % ont plus de 60 ans – une stabilité rassurante qui confine à l’immobilisme, tout en garantissant une politique industrielle dont le but principal est de maintenir le plus longtemps possible le niveau des retraites. Le seul élément de certitude partagée est l’intérêt supérieur de l’Allemagne et de son industrie, qui sera défendue par tous les partis et la cour constitutionnelle de Karlsruhe. Celle-ci insiste sur la primauté du droit allemand sur le droit européen, quoi qu’en pensent les autres membres de l’Union.
Quant à l’autonomie stratégique européenne, si chère aux Français, elle n’est citée que deux fois dans le document. Autant dire que ce n’est une priorité pour personne.