Colères

Edito
S. Barensky. Crédit : C. Deligey - Aerospatium.

À Seattle, Wichita, Cannes ou Toulouse, des salariés du secteur aérospatial sont dans la rue et expriment leurs colères. Chez Boeing comme chez Textron, il s’agit de demander des hausses de salaires pour compenser l’inflation, et une couverture de santé « décente ». Chez Thales Alenia Space, les salariés s’inquiètent d’un plan de réduction de postes qui pourrait entraîner des pertes de compétences avant une hypothétique fusion avec le rival Airbus Space Systems qui n’est pas dans un meilleur état.

Une fusion, c’est ce qui a fait dériver Boeing vers sa situation actuelle. En rachetant McDonnell-Douglas, il y a près de trente ans, ce qui fut naguère le plus grand avionneur au monde a été contaminé par les pratiques de gestion délétères de son acquisition. Aujourd’hui, l’avionneur est devenu un symbole d’incompétence dans le domaine de la qualité, un « mème » pour les « late shows » américains et les réseaux sociaux.

En Europe, ce qui est en jeu c’est la pérennité de compétences durement acquises depuis plus de quarante ans dans tous les domaines du spatial. Aujourd’hui malmené par l’irruption de nouveaux acteurs éléphantesques aux subsides apparemment inépuisables, ce secteur industriel aux allures de magasin de porcelaine est face à une question de survie. La solution comptable la plus évidente, le repli et la fusion, signifierait la fin de cette créativité qui a donné naissance à une diversité de solutions et de filières technologiques. Or c’est cette diversité qui a conféré au secteur une résilience exceptionnelle.

Tels des lemmings, investisseurs et décideurs risquent de sacrifier cette force, aveuglés par les fantasmes survendus par des communicants. Mais ces derniers ne payeront pas les pots cassés si leurs promesses se révèlent, à terme, n’avoir été qu’un théâtre d’ombres.

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