Après avoir fait le succès de l’espace européen pendant un demi-siècle, le retour géographique est sur la sellette chez les partenaires de l’ESA. S’il était adapté à la coopération scientifique entre un petit nombre de pays contribuant au prorata de leur PIB, il devient sclérosant lorsqu’il s’agit d’un grand nombre de pays coopérant à la carte sur des projets industriels.
La fin de non-recevoir adressée par l’ESA et le gouvernement allemand aux industriels des lanceurs leur demandant de respecter leurs engagements sur Ariane 6 illustre les limites du système. Tom Enders et Alain Charmeau ne sont pas les seuls à s’en émouvoir. Tous les secteurs de l’industrie spatiale se plaignent à tour de rôle de se voir imposer des règles et des objectifs incompatibles. Le calendrier auxquels ces cadres peuvent être révisés est trop long et totalement décorrélé des réalités du marché. Dans ces conditions il devient impossible à l’industrie de s’adapter pour réaliser efficacement les missions qui lui sont confiées. Les réticences des politiques à lui lâcher la bride sont compréhensibles tant l’histoire regorge de dérives budgétaires sur des programmes régaliens.
Une révision de la gouvernance s’impose, vers plus de souplesse et plus de mutualisation, pour plus de réactivité. L’enjeu est de taille. Si l’ESA ne peut assurer la souveraineté européenne dans les secteurs spatiaux stratégiques, le risque existe de voir la mission échoir à une autre entité, éventuellement issue de la Commission. Après tout il s’agit aussi d’une infrastructure vitale pour tous.