L‘actuel débat sur la réforme des retraites en France est révélateur d’une grande inégalité dans la société : celle du rapport au travail. Au-delà de la question de la pénibilité des métiers se pose celle de la perception même du concept de travail. S’agit-il juste d’un moyen de gagner une rémunération ou d’une activité dans laquelle il est aussi possible de se réaliser ?
Certains n’hésitent pas à ramener le travail à son origine étymologique : tripalium, une forme de torture pour punir les esclaves rebelles. La valeur travail est donc ramenée à un concept réactionnaire, instrument de la lutte des classes entre les nantis et le prolétariat auquel il convient d’opposer celui d’une société des loisirs et du temps libre dans laquelle l’individu pourra pleinement s’épanouir et se réaliser – pour peu qu’il existe toujours une infrastructure capable de subvenir à ses besoins élémentaires.
Dans cette vision, le métier-passion est vu comme un oxymore. Or c’est souvent cette passion qui a poussé la jeunesse française vers les métiers de l’aéronautique et du spatial. Au cours des générations, elle a donné naissance à une « excellence française », pour la formation des ingénieurs ou la réalisation de produits, qui s’évertuent à se maintenir au premier rang mondial.
Le rêve est le premier moteur de cette passion. Mais le voici pointé du doigt, rendu bouc émissaire du changement climatique. Peu importe que l’aéronautique soit en pointe sur la réduction des émissions et qu’elle permette de désenclaver le monde, rêver de voler devient un désir égoïste de nanti. Chercher des solutions scientifiques ou techniques aux problèmes de la planète – révélés par des satellites bien souvent conçus dans l’Hexagone – serait vain. La pensée nihiliste d’un monde sans avenir se généralise chez les jeunes. Sans cette passion, pas de sang neuf, et il n’y aura personne pour développer et appliquer les solutions qui rendront nos lendemains possibles, si ce n’est brillants.