Ancien trafiquant de faux cognac devenu première fortune russe, ex-protégé de Boris Eltsine et opposant à Vladimir Poutine, Mikhaïl Khodorkovski a été embastillé en 2003. Le Kremlin le soupçonnait de malversations financières dans la gestion du groupe pétrolier Ioukos dont il avait pris le contrôle en 1995. Par la suite, Ioukos est saisi par l’État russe et démantelé. En juillet 2014, après neuf ans de procédure, les actionnaires du géant pétrolier obtiennent gain de cause auprès de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, qui condamne le Kremlin à une amende record de 50Md$.
Moscou refusant de payer, les justices nationales sont saisies et des procédures sont lancées. Des sommes destinées à des organismes d’État russes font ainsi l’objet de saisies conservatoires. Un paiement de 300 M€ par Arianespace à Roskosmos pour la fourniture de lanceurs Soyouz est ainsi menacé, de même qu’une redevance d’Air France pour le survol de la Russie par ses avions à destination de l’Extrême Orient, ou encore des versements d’Eutelsat à son partenaire russe RSCC (Russian Satellite Communications Co.).
Le 20 avril, le tribunal du district de La Haye a rejeté les décisions de la Cour d’arbitrage et annulé l’indemnisation. Nul doute que les anciens actionnaires de Ioukos vont revenir à la charge. Une épée de Damoclès est donc suspendue au-dessus de trois fleurons de l’industrie aéronautique et spatiale européenne. Car si l’amende frappera le Kremlin au porte-monnaie, elle mettra surtout en danger des pans entiers de l’activité d’Arianespace et Eutelsat, tout en réduisant la compétitivité d’Air France sur un segment essentiel.
La Russie avait renoncé à présenter ses avions au Salon du Bourget jusqu’en 2013 depuis que des huissiers suisses avaient tenté de les y saisir en 2001. L’industrie européenne va-t-elle devoir se désengager de Russie si tout échange financier avec ce pays est menacé ?