La Turquie a-t-elle encore sa place dans l’ Otan ? La question est aussi vieille que la ligne Attila qui coupe Chypre en deux et matérialise sous forme de barbelés, sacs de sable et miradors, l’éternel antagonisme entre Athènes et Ankara. En pleine Guerre froide, l’alliance atlantique avait survécu à un conflit entre deux de ses membres, preuve qu’une cohabitation entre belligérants y était possible.
Quarante-quatre ans plus tard, l’offensive voulue par Recep Tayip Erdogan contre les Kurdes du Rojava était prévisible. Après tout, ils sont les cousins des Kurdes de Turquie et il ne faudrait pas qu’ils leurs donnent des idées d’autodétermination.
À 9 500 km de là, Donald Trump trouve ces querelles byzantines et d’un autre âge. L’homme d’affaires rêve son monde en terme de marchés et le Rojava n’en est pas un. Agiter de vaines menaces économiques pourrait lui coûter moins de voix aux prochaines élections que de maintenir les boys au cœur d’un conflit qui lui échappe. Et discrètement, le Pentagone organise l’exode des armes nucléaires stockées en bordure du théâtre.
Au Kremlin, Vladimir Poutine boit du petit lait à chaque fois qu’un coin s’enfonce pour diviser les Occidentaux. Les démocraties européennes rivalisent de prudence face à ces deux encombrants alliés, ménageant l’agressif dans l’espoir de garder la protection du parjure.
L’Europe a-t-elle encore sa place dans l’ Otan ? Oui, tant qu’elle se considérera comme un marché pour le complexe militaro-industriel américain. Les États-Unis ont-ils encore leur place dans l’ Otan ? Oui, tant que leurs partenaires seront leurs clients.