La compétition à « armes égales » contre l’industrie américaine est une gageure. L’égalité de chance sur l’accès aux marchés ne peut être atteinte lorsque tout le poids politique de Washington et du Pentagone (1,96 Md$ de budget quotidien en 2019) sont mis dans la balance. Quelle politique économique saura soutenir la compétitivité quand le seul jeu du taux de change du dollar a permis à Boeing, Lockheed Martin ou SpaceX de gagner 14 % sur ses prix en 2017 sans avoir à lever le petit doigt ?
Dans son discours sur l’État de l’Union du 30 janvier, Donald Trump s’est enorgueilli de la croissance américaine – en omettant de rappeler qu’il l’avait héritée de l’administration précédente – et a estimé qu’il n’y avait jamais eu de « meilleur moment pour vivre le rêve américain ». Sa réforme de la fiscalité des entreprises va accroître les bénéfices des grands groupes, là encore sans réel effort de compétitivité de leur part et peu importe si pour cela il faut laisser filer la dette, l’Oncle Sam ne rend de comptes à personne.
Résister à pareil adversaire est plus qu’une politique, c’est un choix de société. L’Europe ne gagnera rien en adoptant les codes ou le mode de gestion à l’américaine, sans avoir les mêmes atouts, dont le dollar, dans sa manche. Son industrie doit donc se montrer plus maline et plus talentueuse, en innovant pour tenir la dragée haute à sa rivale transatlantique. Pour y parvenir sur le long terme, elle doit pouvoir compter sur des filières de formation à la fois compétentes et attractives, de l’apprentissage aux grandes écoles, pour les futures générations d’ingénieurs et de techniciens.
Pour être vaincu, il faut d’abord admettre la possibilité de la défaite et la récente victoire – inattendue – de Bombardier face à Boeing est là pour nous rappeler que le pire n’est jamais acquis.