Le 12 juin, un inconnu fortuné a surenchéri jusqu’à 28 M$ pour avoir le privilège d’accompagner les frères Jeff et Mark Bezos sur le vol inaugural du New Shepard. Cette escapade suborbitale ne durera qu’environ dix minutes, ce qui représente donc un ticket à plus de 45 000 $ par seconde. Pour mémoire, il y a vingt ans, Dennis Tito, le premier « touriste spatial », avait déboursé 20 M$ pour 128 orbites à bord d’un Soyouz et de l’embryon de la Station spatiale internationale, soit 7 jours et 22 heures de vol. Les prix ont augmenté depuis, et SpaceX facturerait 55 M$ le siège sur sa capsule Crew Dragon.
Le New Shepard n’ira pas sur orbite, il reproduira – en bien plus confortable et avec une vue imprenable – le saut de puce accompli le 5 mai 1961 par la capsule Mercury-Redstone de l’astronaute Alan Shepard. Il y a soixante ans, c’était tout ce que l’Amérique avait à opposer à l’Union soviétique qui venait de la ridiculiser en enchaînant le vol de Gagarine et le désastre de la Baie des Cochons. Ce petit moment de gloire avait restauré un peu de fierté américaine, même s’il était loin d’égaler l’exploit de Vostok 1. Surtout, il avait donné l’élan dont profiterait peu après le programme Apollo pour changer l’histoire et le regard des humains sur leur planète.
C’est peut-être cela que représente cet onéreux billet : l’espoir d’un élan, un peu de rêve et une inspiration pour la jeunesse. Les 28 M$ n’iront pas à Blue Origin, la société de Jeff Bezos qui a développé le New Shepard, mais à la fondation « Club for the future », qui soutient des jeunes rêvant de carrières scientifiques. Les aspirations de Jeff Bezos et d’Elon Musk peuvent paraître puériles, mais elles ont réveillé une passion en Amérique.
Et si on trouvait le moyen d’en faire autant en Europe ?