Ce nouveau satellite – dont la dénomination dépendra de la position orbitale qui lui sera affectée – disposera d’une charge utile de type HTS (High Throughput Satellite) de 12 kW en bande Ka avec une couverture composée de 65 faisceaux couvrant trente pays. Sa charge utile reconfigurable en vol pourra attribuer à chaque faisceau la capacité nécessaire aux besoins du marché qu’il desservira. Selon Yohann Leroy, directeur technique d’Eutelsat, le surcoût d’une dizaine de pourcents que représente cette technologie sur le prix du satellite sera compensé par sa grande adaptabilité à l’évolution du marché. Un taux de remplissage important devrait être rapidement atteint et le prix du gigabit par seconde (Gbps) sera « significativement » réduit par rapport aux satellites de la génération précédente. Le développement des technologies mises en œuvre sur cette charge utile a bénéficié du soutien de l’ESA, du Cnes et du gouvernement français via le Plan d’investissement d’avenir (PIA) du Commissariat général à l’investissement.
Equipé d’une propulsion entièrement électrique dont le fournisseur reste à sélectionner, ce satellite devrait peser environ 3 200 kg au lancement, avec une puissance totale de 16 kW.
Des optimisations en options
Avec 75 Gbps de capacité, ce satellite sera « un formidable concentrateur d’accès » capable de fournir l’équivalent de 300 000 à 400 000 connexions ADSL simultanées. Même si sa masse reste réduite grâce au recours à la propulsion électrique, il s’agit d’un « gros satellite », selon les mots de Yohann Leroy, qui se félicite des économies d’échelle qui ont pu être réalisées. « Nous aurions pu envisager un satellite plus gros, avec des économies d’échelle plus importantes, mais cela n’aurait pas été optimal en regard des perspectives d’évolution du marché. » Néanmoins, Eutelsat a négocié avec TAS une série d’options pour accroître la capacité du satellite – jusqu’à 150 Gbps – selon l’évolution de ces perspectives ou pour permettre à d’autres partenaires de s’associer au projet.
Ce satellite sera compatible avec les différents lanceurs du marché, que ce soit l’Ariane 5 d’Arianespace en position basse, le Falcon 9 de SpaceX ou le Proton d’ILS. En raison de la faible masse du satellite par rapport à sa capacité d’emport, le Proton pourrait le placer sur une orbite de transfert à très haut périgée, et réduire ainsi la durée du transfert sous propulsion électrique.
Si les options d’augmentations sont exercées, la masse du satellite pourrait excéder la limite supérieure fixée par Arianespace pour les satellites en position basse sur Ariane 5. Celle-ci ne dépend toutefois pas d’une contrainte technique et ne constitue qu’une décision commerciale d’Arianespace, rappelle Yohann Leroy qui estime qu’elle pourrait être relevée si un co-passager compatible était trouvé.
Une stratégie HTS globale
Ce nouveau satellite s’inscrit dans la continuité du partenariat annoncé le 5 octobre entre Eutelsat et Facebook pour lancer une offre d’accès Internet à haut débit sur l’Afrique sub-saharienne via le satellite Amos 6 de Spacecom. Eutelsat et Facebook loueront la moitié de la capacité HTS en bande Ka du satellite (18 Gbps sur 36 faisceaux au total). Amos 6, construit par Israel Aircraft Industries (IAI) avec une charge utile fournie par MDA, sera lancé au second semestre 2016 sur un Falcon 9 et positionné à 3° Ouest.
Pour Eutelsat, il représente aussi la poursuite d’une politique d’offre HTS qui a démarré sur l’Europe en décembre 2010 avec Ka-Sat (aujourd’hui « Eutelsat Ka-Sat 9A ») et s’est poursuivie en 2014 avec Eutelsat 3B sur l’Amérique latine. Elle continuera prochainement avec le lancement en décembre sur la Russie, l’Europe et l’Afrique d’Eutelsat 36C (une capacité louée sur le satellite Ekspress AMU-1 de RSCC), puis d’Eutelsat 65 West A en mars pour renforcer l’offre latino-américaine et enfin d’Eutelsat 172B en 2017 sur la région Asie-Pacifique, qui visera essentiellement le marché du haut débit mobile, notamment pour les applications aéronautiques. Tous ces satellites ont été ou seront fournis par Airbus Defence & Space, à l’exception d’Eutelsat 65 West A commandé à SSL.
L’annonce de ce premier contrat pour la plateforme Spacebus Neo fait suite à la signature, le 15 septembre dernier, du contrat de phase C/D (développement et fabrication) entre l’ESA et TAS pour la première plateforme dans le cadre du programme Neosat. Un contrat similaire devrait être signé très prochainement avec Airbus DS pour sa propre plateforme Eurostar Neo.
Contrat au Bangladesh
La saison est faste pour le constructeur franco-italien, puisque Thales Alenia Space vient également d’engranger le 11 novembre un contrat de 248 M$ (19,517 Md de takas) avec la BTRC (Bangladesh Telecommunications Regulatory Commission) pour construire le premier satellite de télécommunications géostationnaire du pays – Bangabandhu 1 – et le segment sol associé. Boeing, Orbital ATK, SSL et la China Great Wall Industry Corp. (CGWIC) étaient également candidats. Basé sur la plateforme Spacebus 4000B2 de nouvelle génération – inaugurée en Athena-Fidus avec 2014 – ce satellite devrait avoisiner 3,5 t au lancement et sera lancé en décembre 2017. Il sera positionné à 119,1° Est, à la verticale du détroit de Macassar, une position acquise en janvier auprès d’Interspoutnik pour 2,19 Md de takas (26 M€). Sa charge utile comportera 26 répéteurs en bande Ku pour couvrir le Bangladesh et les pays avoisinants (Inde, Népal, Bhoutan, Sri Lanka, Indonésie et Philippines) ainsi que 14 répéteurs en bande C sur une couverture régionale.
Cet article a été publié dans le numéro 0.1 d’Aerospatium, daté du 14 novembre 2015.