L‘une des leçons à tirer des difficultés rencontrées aujourd’hui par Boeing, et d’une certaine manière par d’autres industriels également en difficulté, c’est qu’il est facile, que l’on soit actionnaire ou politique, d’oublier que l’industrie est d’abord composée de gens, avec des compétences et des passions. Qu’on les traite comme des variables d’ajustement, comme des lambdas interchangeables, et non seulement ils ne donneront plus le meilleur d’eux-même, mais ils ne transmettront plus la flamme qui les animait.
Quand le Covid-19 a bouleversé le monde que nous connaissions, certains dirigeants ont préféré dégraisser pour économiser, d’autres ont choisi d’investir pour préserver au mieux leurs équipes. Car dans un secteur aussi pointu que l’aéronautique ou le spatial, on ne rouvre pas aussi facilement une usine qu’on a fermé. Il faut la rebâtir entièrement. Cela coûte cher et prend du temps. Surtout, la chaîne de l’apprentissage, avec la transmission des savoirs, est rompue. Avec elle, c’est l’avenir qui est hypothéqué.
Ce qui est vrai pour l’industrie l’est aussi pour la presse spécialisée dans ses activités. La dernière grand-messe organisée par Airbus à Toulouse pour présenter ses résultats était à ce titre édifiante. Aucun nouveau visage depuis douze ans parmi ceux qui couvrent le secteur… et combien ont dépassé l’âge de la retraite, même réévalué à la hausse ? La plus jeune journaliste française de cet aréopage est déjà mère de famille. Où est la relève ?
La crise qu’a connu l’industrie, la presse la vit depuis plus de vingt ans. Les titres meurent ou sont absorbés, les équipes se réduisent et il n’y a plus de temps ni d’argent pour former de jeunes journalistes spécialisés et passionnés. Le risque, à terme, est de les voir remplacés par des IA génératives justes bonnes à réécrire la prose des communicants. Pour que la presse de qualité survive, il n’y a pas d’alternative, il faut s’y abonner.