Brexit : l’inquiétude des grandes entreprises

Chargement de la première aile d'A350 à bord d'un Beluga sur le site d'Airbus UK à Broughton. Crédit : Airbus.
Si les conséquences politiques d’une éventuelle sortie du Royaume de l’Union européenne ne sont pas connues, les effets économiques commencent déjà à inquiéter les entreprises, qui tentent pour certaines de peser dans le débat politique.

«Le business a horreur de l’incertitude. » Cette phrase est dans la bouche de tous les chefs de projets, dirigeants d’entreprises ou responsables de communication de l’industrie aéronautique et spatiale quand il s’agit du Brexit. Il faut dire que les enjeux sont particulièrement importants pour le secteur, très intégré et interdépendant entre les différents pays européens. Airbus n’a pas hésité à intervenir en mettant les pieds dans le plat dès février (cf. AS n°7). Pour la première fois, la conférence annuelle du groupe a eu lieu à Londres, avant que Tom Enders n’enchaîne les rendez-vous dans la capitale britannique. Une lettre ouverte a ensuite été envoyée à ses salariés pour les prévenir des risques sur l’emploi : « Nous devons tous garder à l’esprit que les investissements futurs dépendent en très grande partie de l’environnement économique dans lequel évolue l’entreprise », a écrit le directeur général délégué d’Airbus en Grande-Bretagne Tom Williams. Les risques ont été chiffrés par la Confédération de l’industrie britannique (CBI) : elle agite la menace d’un million d’emplois perdus et 100 Md£ envolées d’ici 2020.

Les compagnies en première ligne

La majorité des grandes entreprises, en particulier les compagnies aériennes comme Ryanair (basée à Dublin, mais avec une très forte présence sur le territoire britannique) et easyJet ont clairement manifesté leur volonté de rester dans l’Europe. Un tiers des entreprises du Footsie100 (le principal indice de la Bourse de Londres) a signé et fait publier une lettre réclamant le maintien dans l’UE.

Une des principales craintes est l’impossibilité d’anticiper un agenda pour une éventuelle sortie de l’Union, si le peuple britannique décide de voter « quitter » à la question : « Le Royaume-Uni doit-il rester ou quitter l’Union Européenne ? ». Le cas n’avait pas été prévu dans les institutions de l’UE. Le processus sera-t-il long ou court ? Quelles seront les étapes ? En attendant, les entreprises n’ont pas encore ouvertement préparé l’éventualité d’une sortie. Pour celles qui ont des usines des deux côtés de la Manche, on attend, officiellement, le résultat du vote. Or cette attente est dommageable pour les entreprises : des décisions sont reportées, les financements bloqués, et les investissements attendent. De ce point de vue-là, le référendum a déjà des conséquences sur l’économie britannique.

La perte des crédits européens

Une des plus grandes craintes est la perte des crédits d’innovation attribues par Bruxelles, et qui sont réservés aux recherches menées au sein de l’UE. dans le secteur très innovant que représentent l’aéronautique et le spatial, ces crédits sont cruciaux pour lancer des programmes de long terme. la mise en commun des moyens universitaires et industriels, comme la pratique le missilier franco-britannique MBDA, est soutenue par l’Europe. la encore, l’incertitude fait peser un voile sur la poursuite de ces projets.

Pour autant, tout le monde n’est pas inquiet. Près de la moitié des PME Britanniques sont favorables à une sortie du Royaume de l’Union européenne. Surtout, beaucoup de grandes entreprises qui militent aujourd’hui pour le maintien avaient fait campagne pour l’entrée du Royaume-Uni dans l’euro en 2000. Les difficultés de la monnaie unique et la crise grecque ont tendance à rendre leur discours actuel peu convaincant auprès des électeurs. Le refus de l’euro s’est finalement révélé une bonne décision pour l’économie britannique, donc peut-être qu’une sortie de l’Union, loin de provoquer une débâcle comme le craignent les grandes entreprises, pourrait elle aussi s’avérer profitable au Royaume-Uni.

Défense tranquille

Et il y a au moins un domaine dans lequel les instances dirigeantes sont parfaitement détendues, quelle que soit l’issue du vote des Britanniques, c’est celui de la défense. Les militaires français, très impliqués dans des projets de coopération avec leurs homologues britanniques, ne craignent rien. Comme l’avait dit Laurent Collet-Billon, délégué général à la direction générale de l’armement (DGA), lors de la présentation de ses résultats 2015, il n’y a aucune raison de s’inquiéter : tous les accords sont bilatéraux, à l’image du traité de Lancaster House, et ils n’ont rien à voir avec Bruxelles. La défense de l’Europe est quant à elle encore principalement organisée par l’Otan, et sera indifférente au maintien du Royaume-Uni dans l’Union ou à sa sortie. La Norvège, la Turquie en font partie, tout en restant à l’écart de l’Union politique

Cet article compte 725 mots.

AUCUN COMMENTAIRE