« Nous ne serons pas l’idiot du village ! » Pour Bruno Le Maire, il n’est pas question que la France s’impose des règles qu’elle serait la seule à respecter et limite ainsi sa capacité à soutenir sa filière aéronautique dont il n’a cessé de rappeler l’importance stratégique et économique. Le 9 juin, il répondait ainsi à la question que je venais de lui poser sur la manière dont son plan de sauvetage ne prêterait pas le flanc aux critiques de nos partenaires commerciaux, lorsqu’ils porteront plainte devant les instances internationales pour non-respect des règles de libre concurrence.
Ryanair a déjà annoncé son intention de porter la question des aides gouvernementales aux compagnies aériennes nationales devant la Commission européenne. Combien de temps faudra-t-il à Boeing, malmené par les crises successives du 737 MAX et du Covid-19, pour demander à Washington d’en appeler à l’Organisation mondiale de commerce (OMC) afin de dénoncer le soutien étatique apporté à son concurrent Airbus ? Peu importe que Bercy ne prévoie pas de réelle subvention directe, l’accusation de « aide publique déguisée » reste un bon angle d’attaque, d’autant que les États-Unis connaissent bien le sujet : c’est ainsi qu’ils gardent leur industrie sous perfusion de contrats militaires.
Se tenir droit dans ses bottes face à la menace est courageux, d’autant que l’enjeu est de taille. La filière aéronautique – liée à la défense et au spatial – est une des conditions de notre souveraineté. On pourra toutefois s’étonner de la cohérence du propos, puisqu’en réalité la France est prompte à s’imposer des règles handicapantes qu’elle est la seule à respecter, comme la taxe de solidarité sur les billets d’avion (taxe Chirac) ou la limitation des liaisons régionales face au train, mais c’est pour « la bonne cause ».