La start-up pékinoise LandSpace Technology Corp. s’était donné trois tentatives pour atteindre l’orbite avec son nouveau lanceur Zhuque 2, dont les deux étages consomment de l’oxygène et du méthane liquides comme ergols. Le succès a été au rendez-vous dès la deuxième. Le 12 juillet à 01 h 00 TU, le lanceur de 216 t a décollé de la base de Jiuquan, dans la province de Gansu, sous la puissance de ses quatre moteurs Tianque 2 (TQ-2) de 658 kN chacun, également développés par LandSpace. Le premier étage a parfaitement fonctionné et le second étage a pris le relais, sous la poussée d’un unique TQ-12 de 795 kN.
En décembre dernier, la défaillance du moteur vernier quadrichambre TQ-11 de 80 kN assurant le pilotage de l’étage avait entraîné la fin de la mission. Cette fois-ci, tout s’est bien passé et le second étage, porteur d’une charge factice, s’est placé sur orbite héliosynchrone à 455 km d’altitude.
Ce succès est de bon augure pour LandSpace qui signe aussi sa première satellisation, puisque son premier lanceur, le Zhuque 1 triétage à propulsion solide, n’a été tiré qu’une seule fois, en octobre 2018, et n’a pas pu atteindre l’orbite. Récemment, la rumeur courait qu’en cas de nouvel échec, la société n’ait pas les reins suffisamment solides pour s’en remettre. Un troisième lanceur de qualification serait aujourd’hui disponible et devrait pouvoir être lancé prochainement avec une charge utile réelle, dans le cadre d’un contrat commercial.
La firme privée chinoise affirme avoir signé des contrats pour des lancements mutualisés avec Spacety en Chine, Open Cosmos au Royaume-Uni et D-Orbit en Italie.
Avec une capacité d’emport annoncée de 6 t sur orbite basse et 4 t sur orbite héliosynchrone, ainsi que des tarifs particulièrement bas grâce à l’utilisation de composants standards partout où cela est possible, le Zhuque 2 pourrait offrir une alternative à des lanceurs étatiques bien établis tels que les CZ-2 et CZ-4.
Le méthane, ergol d’avenir
Le méthane liquide est aujourd’hui considéré comme l’ergol de l’avenir. D’une part, avec sa densité énergétique de 36 MJ/m3, il constitue un parfait compromis entre le kérosène (36,5 MJ/m3) et l’hydrogène liquide (10,8 MJ/m3), alors que ce dernier est bien plus énergétique à masse égale : 120 MJ/kg contre 50 pour le méthane et 43 pour le kérosène. Non seulement, il peut utiliser des réservoirs plus petits, mais ses molécules plus grosses ont moins tendance à causer des fuites à chaque interface. De plus, il se conserve à -162°C au lieu de -253°C, ce qui simplifie sa gestion. Cette température étant proche de celle de l’oxygène liquide (-183°C), il peut être stocké dans des réservoirs contigus sans avoir à gérer un gradient de température de 70°C, comme c’était par exemple le cas sur le fond commun entre les réservoirs de l’étage central d’Ariane 5.
Autre avantage, la combustion du méthane est bien plus propre que celle du kérosène. En clair, elle ne génère pas de suies. Celle-ci encrassent les moteurs, ce qui complique leur reconditionnement pour la réutilisation, mais aussi elles tendent à s’amasser dans la stratosphère, où elles contribuent significativement au forçage climatique.
Cerise sur le gâteau, malgré sa mauvaise réputation de gaz à effet de serre, le méthane est un gaz écologique, au sens qu’il est le biocarburant le plus facile à produire, par simple méthanisation de la biomasse. Et si tous ces avantages ne suffisaient pas, c’est aussi l’ergol le moins cher du marché.
Les projets de lanceurs se multiplient
C’est à ce titre que le méthane a été retenu pour nombre de nouveaux projets de lanceurs. SpaceX en a bien évidemment fait le principal ergol de son lanceur géant Super Heavy/Starship, ce qui pose quelques soucis sur la puissance d’une éventuelle détonation des 1 280 t de méthane qu’il transporte en cas d’échec au décollage. Le méthane propulsera également le premier étage Vulcan du successeur de l’Atlas 5 chez United Launch Alliance (ULA) ainsi que celui du futur lanceur New Glenn de Blue Origin, avec qui il partage ses moteurs BE-4. Aux États-Unis, le méthane a en outre été choisi comme ergol par Relativity Space, dont le premier lanceur Terran 1 a échoué à rejoindre l’orbite le 23 mars dernier, et qui prépare un Terran R semi-réutilisable à l’horizon 2026. Rocket Lab l’a également choisi pour son Neutron semi-réutilisable annoncé pour l’an prochain.
En Europe, le méthane devrait alimenter le moteur M10 d’Avio sur l’étage supérieur du futur Vega E, en 2026. Le motoriste italien est par ailleurs sous contrat du gouvernement italien pour développer une version plus puissante, le M60, afin de propulser un petit lanceur au méthane, dans le cadre du plan de relance PNRR (Plan national de reprise et de résilience).
Le méthane est aussi le carburant du moteur Prometheus d’ArianeGroup et propulsera donc le démonstrateur Themis ainsi que le petit lanceur Maia qui doit en découler. ArianeGroup présente d’ailleurs le Prometheus comme un moteur au biométhane et s’est doté d’une unité de production pour l’alimenter. Parmi les nouveaux entrants du secteur privé, Sirius Space Services a retenu le méthane pour sa famille de petits lanceurs semi-réutilisables Sirius. Pangea Aerospace, à Barcelone et Toulouse, développe et commercialise pour sa part le moteur aerospike Arcos, conçu pour consommer du méthane et de l’oxygène liquides.
En Chine, outre LandSpace, les firmes privées LinkSpace et Interspace développent leurs moteurs. Au niveau étatique, on voit encore plus grand, avec le moteur YF-135 de 3 250 kN qui pourrait propulser le premier étage réutilisable du lanceur lunaire géant Chang Zheng 9 vers 2030.
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[…] Le premier lanceur au méthane à réussir une satellisation est le Zhuque 2, de LandSpace, qui avait échoué de peu à sa première tentative. […]