La crise de l’aérien causée par la pandémie de Covid-19 a réjoui les tenants de la décroissance comme panacée de la lutte contre le dérèglement climatique. La politique de redressement mise en place par le gouvernement d’Emmanuel Macron n’a fait qu’exacerber les tensions entre les partisans et les opposants d’un secteur industriel européen majeur, qui permet à l’Europe d’être prescriptrice sur les réductions d’émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial.
Sans surprise, Yannick Jadot, ancien de Greenpeace, en a fait un des ses principaux sujets de campagne. « La forte croissance du transport aérien et des croisières maritimes doit être remise en cause, s’insurge-t-il. Elle résulte d’une politique d’accès universel à bas prix, qui n’inclut pas son impact environnemental. Il y a urgence à agir ».
Haro sur l’aérien
Le candidat du Pôle écologiste insiste sur la nécessité d’éviter l’avion, mais de continuer à voyager, « de vous ouvrir au monde et de prendre cette respiration nécessaire à la curiosité et à la vie tout court ». Il propose donc un « Ticket Liberté Climat » ouvert aux 16-25 ans qui donnerait un accès en illimité « à l’ensemble des trains, transports en commun et vélos et voitures en libre-service du territoire français ». Pour les voyages à l’étranger ou les plus de 25 ans, il ne promet rien.
La politique anti-avion est clairement annoncée : interdiction des vols intérieurs quand il existe une alternative en train de moins de 4 heures, et de moins de 6 heures pour les lignes européennes, interdiction dees créations ou extensions d’aéroports, lancement immédiat d’un plan de rationalisation et de réduction des aéroports, proposition aux pays du G20 d’une taxe progressive sur les billets d’avion pour les vols internationaux. Les ressources fiscales tirées de ce dernier dispositif « contribueront à financer l’adaptation au changement climatique et la transition énergétique dans les pays du Sud », explique la fiche-programme du candidat.
Et comme si cela ne suffisait pas, ces mesures seront accompagnées d’une interdiction graduelle de la publicité pour les vols aériens low cost, jugés « climaticides » au même titre que les gros SUV et les voitures de sport.
Yannick Jadot fustige la politique du gouvernement sortant qui aurait dépensé plus de 30 Md€ en 2020 « pour sauver des secteurs polluants [dont l’aérien, ndlr], sans réelles contreparties ». Le candidat veut « conditionner toutes ces aides au respect de critères environnementaux (trajectoire de réduction de l’empreinte carbone et respect de la biodiversité), sociaux (maintien et création d’emplois) et de lutte contre les discriminations au sein de l’entreprise ». Il remettra aussi en cause le système actuel des crédits carbone au profit d’une « taxe carbone » aux frontières européennes pour protéger l’industrie de l’Union du dumping environnemental.
De la taxation à la décarbonation
Le programme d’Anne Hidalgo ne va pas aussi loin que celui de Yannick Jadot. Mais il suit la même direction en promettant un investissement massif dans le ferroviaire. « Les déplacements en train bénéficieront d’un taux de TVA réduit, tandis qu’une taxe empreinte carbone sur le billet d’avion sera créée lorsqu’une alternative ferroviaire comparable existe ».
Chez les Insoumis, le volet transport se consacre essentiellement aux mobilités urbaines, mais il n’oublie pas de proposer un « alignement de la fiscalité du kérosène et des billets d’avion sur celle de la route et une rehausse de la taxe de solidarité [« Taxe Chirac » de 2005, ndlr] dès 2022 ». Jean-Luc Mélenchon augmentera la tarification de l’aérien, interdira la vente de billets à perte et « cessera les subventions déguisées des compagnies low cost ». Comme Yannick Jadot, il veut aussi supprimer dès 2022 « les connexions aériennes sans correspondances internationales lorsqu’une alternative en train existe en moins de 4 heures de trajet ».
Une fois de plus, la stigmatisation du transport aérien comme produit de luxe est mise en avant dans la promesse de mettre fin au projet du CDG-Express, « une concession privée pour un train de riches à l’efficacité douteuse ». Le projet de terminal T4 à Roissy, important pôle d’emploi local et source de revenus tirés du trafic des touristes, sera également abandonné. Aéroports de Paris (ADP) et l’ensemble des aéroports en France seront nationalisés et gérés par « un établissement public unique sur le modèle de l’Aena (Aeropuertos Españoles y Navegación Aérea) espagnole [L’Aena est devenue Enaire en 2016, ndlr] ».
Jean-Luc Mélenchon, dans son volet écologique, veut aussi « annuler les cadeaux fiscaux accordés sans contrepartie aux plus grandes entreprises ces dix dernières années » et « soutenir le développement de carburants alternatifs (électricité, gaz de synthèse, hydrogène vert, etc.) pouvant utilement remplacer leurs homologues fossiles ». Cette stratégie participera également « d’une réduction de la consommation énergétique et de la dépendance aux énergies fossiles ».
Investir dans une transition énergétique
Le président Emmanuel Macron, à l’origine du programme d’investissement France 2030, poursuit sur ses projets dans la même veine, en espérant capitaliser sur les décisions qu’il a déjà prises. Il propose de continuer à investir pour que la France devienne « leader de l’hydrogène vert », puisse produire des millions de véhicules électriques et hybrides, et surtout « le premier avion bas carbone ». Au-delà de la seule aéronautique, l’accélération de la décarbonation et le déploiement des énergies propres doivent permettre de « réduire la dépendance de la France au charbon, au gaz, au pétrole importés ».
Valérie Pécresse, qui vient de passer plus de six années à la tête de la région la plus aéronautique de France, suit la même ligne en soutenant le recours aux biocarburants et les projets de filières hydrogène et électrique pour l’aéronautique et la logistique.
Eric Zemmour, qui a fait de la lutte contre les éoliennes un de ses chevaux de bataille, veut de son côté apporter un fort soutien à l’industrie avec « une baisse massive des impôts de production à hauteur de 30 Md€ d’euros supplémentaires par an » et en créant un puissant ministère regroupant l’Industrie, le Commerce extérieur, l’Énergie et les Transports, « pour remplir le rôle de chef d’orchestre de la réindustrialisation ».
Il promet aussi de décarboner les transports en combinant les différentes technologies prometteuses : batteries électriques, piles à combustible, biocarburants et carburants de synthèse. Il soutiendra parallèlement le déploiement de la filière hydrogène dans l’industrie et le transport lourd, dont l’aérien.
Marine Le Pen, elle aussi pourfendeuse de l’éolien, veut « tourner la page de l’écologie punitive » et sortir du « Pacte vert » européen. Elle soutient le développement de nouvelles filières énergétiques mais le transport aérien n’apparaît pas dans son programme.
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[…] Faut-il soutenir la transition énergétique de l'aérien ou proscrire un secteur qui de toute façon ne saura jamais s'amender ? […]