Avant de devenir cette abstraction économico-technocratique qui focalise la colère de tant d’électeurs, la construction européenne était un projet qui aurait dû recouvrir de nombreux domaines, et souder un continent qui ne devait plus jamais connaître la guerre.
Dès le début, les atermoiements français ont eu raison du volet de la Défense. L’arrivée des Britanniques en 1972 signait la mort des espoirs d’union politique, fiscale ou sociale. Londres ne s’est jamais départi de sa tradition stratégique séculaire : une domination des théâtres extérieurs et une Europe sans leader qui lui laisse les coudées franches. Le Brexit relève de cette logique, qui n’a jamais cessé d’imprégner l’inconscient collectif outre-Manche.
De ce côté du « Channel », l’esprit européen semble parfois ne pas s’être incarné au-delà du programme Erasmus. La redite du « marché du siècle » des années 1970 semble se rejouer. Après le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas, la Belgique serait sur le point de choisir le F-35 américain pour sa défense aérienne, reconstituant ainsi le club des quatre qui avaient choisi le F-16 face au Mirage F1 il y a bientôt quarante ans. Ce choix serait dicté par le désir de Bruxelles de contribuer au parapluie nucléaire américain… au moment où la Maison Blanche songe à refermer celui-ci.
Un choix, qui avait du sens lorsque les chars de Moscou étaient massés derrière un rideau de fer bien trop proche, n’en a peut-être plus dans notre monde multipolaire. Peut-être est-il temps pour une autre idée. Peut-être est-il temps de ranimer une vision européenne.