L‘accès autonome à l’espace ne concerne pas que l’Europe. Les États-Unis y sont eux aussi confrontés et pour la première force militaire mondiale il n’est pas question de se trouver privée des moyens de lancer les satellites nécessaires à ses télécommunications, son renseignement ou le guidage de ses appareils et de ses missiles. À ce jour, cet accès garanti repose sur deux fournisseurs stratégiques – ULA et SpaceX – qui ont tous deux annoncés leur intention de retirer leurs modèles de lanceurs actuels.
United Launch Alliance (ULA), qui exploite depuis 2006 les lanceurs Atlas 5 et Delta 4, va retirer la version Delta 4 Medium dès 2019 et la version Delta 4 Heavy au début des années 2020. À la demande du Congrès, qui souhaite mettre fin en 2022 à la dépendance technologique envers la Russie avec le moteur NPO EnergoMach RD-180 de l’Atlas 5, ULA va aussi devoir assurer la transition vers le nouveau lanceur Vulcan, propulsé par des moteurs BE-4 de Blue Origin, à partir de 2020.
Du côté de SpaceX, l’entrée en service de l’ultime version du Falcon 9, la « Block 5 », avait été accompagnée de l’annonce de son retrait après environ 300 vols accomplis à l’aide de 30 à 50 étages réutilisables. L’objectif de la firme d’Elon Musk est d’assurer une transition avec son BFR entièrement réutilisable dès le milieu des années 2020.
Trois lauréats
Trois contrats ont été annoncés le 10 octobre par le département de la Défense pour le développement de prototypes pour les futurs systèmes de lancement destinés aux missions de « sécurité nationale » dans le cadre d’un « Launch Service Agreement ». L’objectif annoncé est d’assurer qu’au moins deux de ces systèmes deviendront opérationnels pour assurer la pérennité du service de lancement. Chacun de ces contrats, d’un montant initial de 181 M$ mais comportant de nombreuses options en fonction des avancées réalisées, a fait l’objet d’une mise en compétition et implique qu’un investissement sera aussi apporté de la part de l’industriel dans ce nouveau développement.
ULA a reçu potentiellement le plus gros contrat avec une enveloppe pouvant atteindre un total de 967 M$ pour le développement du Vulcan Centaur, qui reprendrait l’étage supérieur Centaur de l’Atlas 5. En 2016, l’US Air Force avait déjà annoncé un investissement de 201 M$ sur le programme, complété par un investissement en propre de 134 M$ par la coentreprise de Boeing et Lockheed Martin.
Plus inattendue est la sélection de Northrop Grumman Innovative Systems (ex-Orbital ATK) et de son lanceur OmegA, basé sur des moteurs Castor dérivés des segments d’accélérateurs solides de la navette et du SLS. Le programme, dévoilé dans le détail en avril dernier, pourra recevoir jusqu’à 791,6 M$. Cette somme vient s’ajouter aux 250 M$ déjà investis dans le programme par l’US Air Force et Orbital ATK depuis 2015 dans le cadre des études NGL (Next Generation Launcher).
Enfin, Blue Origin, la firme de Jeff Bezos, pourra recevoir jusqu’à 500 M$ d’aide pour le développement de son lanceur semi-réutilisable New Glenn. Si le Pentagone avait déjà investi sur l’adaptation du moteur BE-4 au lanceur Vulcan, le New Glenn, qui l’utilisera aussi, n’avait jusqu’ici reçu aucun financement étatique. Jeff Bezos, en revanche, aurait déjà investi plus de 2,5 Md$ de sa poche.
Second round en 2019
Le contrat avec Blue Origin s’achèvera officiellement au plus tard le 31 juillet 2024, celui avec Northrop Grumman le 31 décembre 2024 et celui avec ULA le 31 mars 2025. Toutefois, une seconde phase est prévue avec un nouvel appel d’offres l’an prochain et la sélection de deux finalistes en 2020. Celui des trois compétiteurs qui n’aura pas été retenu verra son financement interrompu et ne touchera donc pas la totalité du montant promis.
Pour le Pentagone, ces investissements doivent assurer que lorsqu’un prochain appel d’offre sera lancé, pour l’achat de cinq ans de services de lancements, au moins deux offres compétitives seront reçues. Des contrats seront alors passés auprès d’au moins deux fournisseurs, afin de garantir une double source.
L’inconnue du Falcon Heavy
La place du Falcon Heavy de SpaceX dans cette stratégie est mal définie. Après son spectaculaire vol inaugural de février dernier, le premier vol opérationnel se fait attendre.
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