Cinquante ans après la disparition du Général de Gaulle, la France garde son esprit gaullien. Riche de ses bruyants désaccords, elle reste une et indivisible lorsqu’il s’agit de questions de souveraineté. Les Gaulois sont réfractaires dès qu’on tente de leur dicter quoi faire, surtout de l’étranger.
Sur l’autre rive du Rhin, l’Allemagne est une nation coupée en deux par une même langue. C’est un État fédéral, marqueterie de Landers aux intérêts divers, dirigé par des coalitions de partis eux-mêmes traversés de profondes divisions. Même si le mot n’existe pas d’origine dans la langue de Goethe, il convient de prendre la parole politique allemande avec nuance.
À la veille de l’élection américaine, le ministre allemand de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, tordait le cou aux efforts français d’établir une souveraineté européenne – gaullienne dans l’esprit – en matière de défense. Deux semaines plus tard, un autre des dauphins putatifs d’Angela Merkel, Norbert Röttgen, président de la Commission des affaires étrangères du Bundestag, insistait sur la nécessité d’une capacité militaire européenne propre, mais toujours dans un cadre atlantiste. La première s’adressait à un média américain, le second à un quotidien français.
Cette posture, soufflant le chaud et le froid, reste pragmatique. Berlin sait que quelles que puissent être les turbulences dans ses relations avec Paris, tant que l’Europe existera, le parapluie nucléaire français la protégera. On ne peut pas en dire autant du parapluie nucléaire américain, même étendu à son vassal britannique. Ni de l’un, ni de l’autre, l’Allemagne n’aura jamais les clés. Il lui faut donc flatter l’Amérique pour ne pas être sous la coupe française, et toujours maintenir une saine compétition entre ces deux arrogants partenaires.