« Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ! » Le procédé est ancien puisque Francis Bacon le relève dès 1623 dans le proverbe latin « audaciter calomniare semper aliquid haeret » (« calomniez audacieusement, il en restera toujours quelque chose »), bien avant qu’il ne soit attribué à Marivaux, Voltaire ou Goebbels. Pourtant, il est toujours d’actualité. Plusieurs présidents américains nous y ont habitué, mais notre secteur n’est guère épargné lui non plus. En témoigne le sort réservé par médias et influenceurs à quiconque n’est pas SpaceX.
Boeing est à la peine et, au milieu de ses nombreux déboires, le succès de la mission de la capsule Starliner devrait être une bouffée d’air frais. Il n’en est rien. Des fuites sans gravité, des capteurs trop sensibles, et la Nasa décide d’étendre la mission pour collecter plus de données. Il n’en faut pas plus pour que l’Internet enfle de la rumeur d’astronautes naufragés sur orbite qui devront être secourus par la capsule Dragon de SpaceX, seule apte à les sauver de l’incurie de Boeing. C’est évidemment faux, mais quand les médias généralistes s’en emparent pour chasser le « clic », cela devient la vérité alternative que retiendra le grand public.
On en redoute la moindre anomalie qui pourrait frapper le premier vol d’Ariane 6 la semaine prochaine. L’Europe spatiale serait immédiatement clouée au pilori. La façon dont Eumetsat a été amenée à abandonner la solidarité européenne participe par avance à cette volonté de dénigrement amplifiée par la caisse de résonance des réseaux sociaux.
Comment lutter contre cette propagande ? Une bonne communication de crise, avec une information en amont, afin de déminer le terrain et de dépassionner les débats, serait un bon début. Pour cela, il faut aussi qu’il reste une presse spécialisée, connaissant son sujet, pour relayer les informations, avec un sain esprit critique. C’est pour tous, une question de survie.