La présidence française de l’Union européenne s’achève le 30 juin à minuit, sur un bilan discutable. Certes, l’Europe s’est resserrée et a décidé de renforcer de manière très significative ses moyens de défense, mais dans le même temps, elle est plus que jamais blottie sous le parapluie de la défense du Pentagone, dans le cadre d’une Otan ressuscitée et pour le plus grand bénéfice de l’industrie américaine. La souveraineté européenne tant souhaitée par Emmanuel Macron n’a pas résisté à la peur suscitée par l’agression sur l’Ukraine.
L’idéal d’une posture gaullienne élargie à l’Europe n’a pas séduit. Les anciens satellites de l’URSS préfèrent jouer la carte de Washington – au risque d’une déconvenue si les Trumpistes reviennent au pouvoir – à une France qui tente de jouer aux échecs avec le Kremlin en pariant sur un avenir post-poutinien.
Surtout, l’Allemagne n’acceptera jamais une politique qui pourrait lui donner l’impression de s’inféoder à la France, seule puissance nucléaire de l’Union. Dans l’axe Paris-Berlin, censé être le moteur de l’Europe, nos voisins d’outre-Rhin se sentent lésés sitôt qu’on ne leur laisse pas les commandes. Que ce soit sur Ariane ou sur le NGF, les prétentions françaises leurs semblent imméritées, et des compensations nécessaires, peu importe si elles aboutissent à ruiner les programmes.
Face au mélodrame sans fin du Scaf, victime d’une coopération imposée au plus haut rang politique, on se prend à rêver à son équivalent britannique : un programme Tempest lancé en solo, sur lequel sont venus se greffer des industriels ayant réellement envie de participer. « Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », disait le général De Gaulle. Il serait peut-être temps de tirer des leçons des réalités actuelles et admettre qu’on ne peut pas construire l’Europe avec des coopérations qui ne nous rapprochent pas.