À Washington, le mois de mars a ses traditions : une bascule brutale de l’hiver au printemps, la floraison des cerisiers japonais, la parade de St Patrick et un rassemblement de représentants du secteur spatial commercial international venus discuter des dernières tendances et des prochains enjeux des marchés des télécommunications par satellite. L’événement a beau être aux États-Unis et à vocation internationale, pendant une semaine, autour de Mt Vernon Square, on entend surtout parler français.
Car c’est le paradoxe du secteur : dès qu’il s’agit d’être compétitif, on trouve des Français dans l’équation. Les leaders mondiaux des nouveaux satellites entièrement programmables sont basés à Toulouse et à Cannes. C’est aussi dans la « ville rose » qu’ont été conçus les satellites de la constellation OneWeb, tandis que la cité du festival a déjà à son actif les constellations Iridium et Globalstar. Le numéro un de la propulsion plasmique est à Vernon, tandis que les capteurs d’étoiles les plus performants sont fabriqués dans le Val-de-Marne…
Pourtant, alors que tous ces Français viennent vendre leur savoir-faire et leur compétitivité ici, à 1,4 km de là, à la Maison Blanche, l’administration de la première puissance économique mondiale publie une proposition de budget fédéral de 6 883 Md$ pour 2024. Elle attribue 27,2 Md$ à la Nasa et 30 Md$ à l’US Space Force, de quoi nourrir une puissante industrie susceptible de régner sans partage sur tous les marchés. Pour mémoire, le budget de l’ESA en 2023 se montait à 7,08 Md€ (7,46 Md$) et celui du Cnes à 2,6 Md€ (2,74 Md$).
On comprend donc que, pour les Européens, la survie passe par la créativité et la compétitivité, quand leurs rivaux américains peuvent se contenter de vivre des subsides de programmes gouvernementaux dont les budgets confinent à l’onirique. Si cette richesse fait rêver de notre côté de l’Atlantique, il faut bien admettre qu’il y a un effet secondaire : elle rend obèse et peu agile. Elle attire aussi l’appétit d’un grouillement de start-up…