L’intégration des activités lanceurs d’Airbus et Safran au sein de la coentreprise Airbus Safran Launchers (ASL) est toujours officiellement prévue pour le 31 décembre, mais des questions demeurent autour du calendrier du projet.
L’inquiétude a poussé deux syndicats de Safran Herakles, la CFE-CGC et la CFTC, à envoyer le 12 décembre une lettre au président de la République et au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian leur demandant de clarifier la situation globale, notamment pour les salariés. Ces deux syndicats soutiennent le projet de joint-venture (JV), qu’ils estiment indispensable au maintien des capacités industrielles et des emplois en France, mais s’inquiètent des retards de la mise en place effective de la coentreprise.
Les salariés dans l’expectative
Pour l’instant 450 personnes, uniquement le management et les directions de projets, ont été intégrées depuis début 2015 à ASL. Les 6 500 personnes restantes, appartenant aux seize entités concernées par la coentreprise, devaient les rejoindre au sein d’ASL à partir du 1er janvier 2016. Rien ne serait aussi sûr désormais, et leur situation n’est pas éclaircie, autant du point de vue statutaire que de la constitution des instances représentatives.
Certains se poseraient même la question d’une réintégration à leur entreprise d’origine avant la constitution d’un groupement d’intérêt économique (GIE), une solution qui permet le travail en commun des entités concernées, sans la création d’une entreprise dédiée.
Lancé par les deux grands groupes industriels européens en juin 2014 pour réunir au sein d’une seule entité industrielle les capacités de construction du futur lanceur Ariane 6, la constitution à marche forcée de la JV bute sur plusieurs écueils.
L’argent est le premier d’entre eux, ou plus exactement l’équilibre entre les deux partenaires, qui veulent le contrôle à 50/50 de la coentreprise. Pour compenser l’apport de capacités industrielles plus importantes par Airbus, Safran se serait engagé à verser une soulte de 800 M€ à l’avionneur européen, et non à la JV, comme cela aurait pu être attendu.
Selon des sources internes, Airbus refuserait la fiscalisation très importante de cette somme. Le groupe aurait le soutien du cabinet du ministre de l’Économie Emmanuel Macron, qui s’est engagé directement en faveur de la création de la JV. Airbus confirme que cette question pose quelques problèmes, mais soutient que tout sera réglé d’ici fin décembre.
Une autre crainte s’est fait jour, au sein même d’ASL : Safran pourrait considérer le versement de cette somme comme un investissement, conservé dans le bilan de l’entreprise. Certains salariés craignent que le retour sur investissement attendu par Safran dès la première année implique une charge de travail massive.
Une chose est certaine en tout cas : pour être capable de sortir des usines la première Ariane 6 en en 2020, le processus d’intégration ne peut pas rester au point mort trop longtemps. Le calendrier définie par la ministérielle en 2014 est d’ores et déjà jugé hautement ambitieux, même sans prendre en compte les difficultés actuelles.
D’un point de vue de stratégie industrielle, le retard – ou pire, l’échec – de l’intégration aurait des conséquences lourdes. Si l’intégration complète au sein de la JV n’a pas lieu au premier trimestre 2016 et que trois entités différentes – Herakles et Snecma Vernon pour Safran, et Airbus DS en France et en Allemagne – continuent de gérer le projet, le manque de synergies empêchera Ariane 6 de réussir son pari d’un coût au lancement réduit de 40 % par rapport à Ariane 5.
Cet article a été publié dans le numéro 0.3 d’Aerospatium, daté du 12 décembre 2015.