Le cargo Cygnus OA-4 « SS Deke Slayton 2 » a rejoint la Station spatiale internationale le 9 décembre, rétablissant la ligne de ravitaillement du complexe orbital par des cargos américains. Après la perte du Cygnus Orb-3 « SS Deke Slayton » le 28 octobre 2014 et de la capsule Dragon SpX-7 le 28 juin 2015, dans l’explosion de leur lanceur respectif Antares 120 et Falcon 9, la Nasa ne disposait plus de moyen propre pour atteindre l’ISS et ne pouvait plus compter que sur les cargos japonais HTV et russes Progress. La dernière capsule Dragon a quitté l’ISS le 21 mai.
L’Américain Orbital ATK, maître d’œuvre et opérateur du Cygnus, a fait preuve d’une grande réactivité pour tenir les objectifs de son contrat CRS (Commercial Resupply Service) décroché auprès de la Nasa en décembre 2008. Sitôt après l’échec de sa dernière mission, qui a cloué au sol son lanceur Antares, l’industriel a contacté United Launch Alliance (ULA) pour réserver un lancement sur Atlas 5. Le contrat a été signé le 9 décembre 2014. Une option pour un second vol a été confirmée le 12 août dernier et concerne la mission OA-6 actuellement prévue pour le 10 mars 2016, en attendant un retour en vol en milieu d’année du lanceur Antares d’Orbital ATK, pour la mission OA-5, avec une nouvelle motorisation remplaçant celle à l’origine de l’échec d’octobre 2014.
Plus de volume et plus de puissance
L’Atlas 5 en version 401 étant plus puissant que l’Antares, la capacité d’emport de fret en a été également augmentée. De plus, le Cygnus OA-4 inaugure la version améliorée du cargo, avec un module pressurisé dont la longueur passe de 3,66 à 4,86 m, et le volume interne de 18,9 à 26,2 m3. Dans cette configuration, sur Atlas, le Cygnus peut emporter jusqu’à 3 700 kg de charge utile, contre 2 000 kg pour les versions précédentes sur Antares. Pour cette mission, il a été chargé de 3 513 kg de fret, comprenant des consommables, des expérimentations et des équipements, dont des nanosatellites et une imprimante 3D européenne développée par Altran. Lors des futures missions sur Antares, la capacité d’emport du Cygnus allongé sera ramenée à 2 700 kg.
Cette nouvelle version du Cygnus inaugure aussi de nouveaux générateurs solaires souples UltraFlex, déployables en éventails d’un diamètre de 3,7 m, capable de fournir 3,5 kW de puissance électrique. Développée depuis plus de vingt ans par Orbital ATK, cette technologie permettrait de diviser par trois la masse des panneaux solaires. Elle a déjà été appliquée aux générateurs de l’atterrisseur martien Phoenix en 2004 (2,1 m de diamètre) et à ceux de son successeur Insight (2,15 m) qui sera lancé en mars prochain. Une version de 6 m de diamètre a été étudiée pour le module de service de la capsule Orion avant que la responsabilité de celui-ci ne soit confiée à l’ESA. Auparavant, les Cygnus étaient équipés de générateurs rigides fournis par Airbus Defence & Space Netherlands (ex-Dutch Space) d’une puissance équivalente.
Rallonges en janvier
Le succès de la mission Cygnus OA-4 et sa réactivité dans la gestion de l’échec de l’Antares placent Orbital ATK en bonne position pour la seconde série de contrats CRS dont la Nasa a repoussé l’attribution de juin à octobre 2015, puis à la fin du mois de janvier 2016. En août dernier, Orbital ATK a révélé que son contrat CRS-1, qui devait initialement porter sur la livraison de 20 t de fret en huit vols, pourrait être achevé en sept missions uniquement, grâce aux améliorations de la capacité d’emport. Cependant la Nasa a décidé de le porter à 28,7 t de fret, grâce à trois missions supplémentaires (8E, 9E et 10E). Aussi, Orbital ATK a-t-il ajouté deux modules pressurisés EPM (Enhanced Pressurized Module) à sa commande passée auprès de Thales Alenia Space Italia en 2009 (et qui comprenait déjà un module pour la mission n°8). En cas de sélection pour le marché CRS-2, cette commande sera à nouveau étendue.
La situation est moins favorable pour son principal concurrent SpaceX, qui ne dispose pas de solution de rechange pour lancer sa capsule Dragon.
Annoncé et régulièrement reporté depuis la mi-novembre, le retour en vol du Falcon 9 est actuellement prévu pour la nuit du 19 au 20 décembre, avec une grappe de onze petits satellites de messagerie Orbcomm OG2 (172 kg pièce). Ce vol sera également le premier de la nouvelle version du lanceur, dite « 1.2 », avec une capacité accrue.
Le manifeste des missions suivantes est longtemps resté énigmatique, de l’aveu même des clients impliqués. Il devrait comprendre en moins d’un mois un lancement commercial et deux vols institutionnels pour la Nasa, dont le satellite d’altimétrie Jason 3 annoncé pour le 17 janvier sur le dernier Falcon 9 v1.1 au départ de Vandenberg, suivi de la capsule Dragon SpX-8, sur le nouveau Falcon 9 v1.2 de Cape Canaveral, qui a glissé au 7 février.
La Nasa aurait demandé à SpaceX d’aligner deux succès de sa nouvelle version avant d’autoriser cette dernière mission. Cela impliquerait de la faire précéder par le lancement du satellite de télécommunications SES-9, annoncé pour « mi-janvier. » Le report du Dragon en février a ruiné les chances de SpaceX de reprendre ses vols vers l’ISS avant l’attribution du contrat CRS-2.
Fiche de mission
Atlas 5/401 AV-061
Décollage le 6 deécembre à 21 h 44 m 56 s TU du complexe SLC-41 de Cape Canaveral (Floride).
Charge utile : Cygnus OA-4 (7 492 kg).
Orbite initiale : 234 x 237 km, 51,6°.
Premieère mission Atlas vers l’ISS.
Nanosatellites à bord
Parmi les 3 513 kg de charges utiles embarquées sur le Cygnus OA-4 figuraient dix-huit nanosatellites qui seront déployés à partir du module japonais Kibô. Parmi ceux-ci on compte douze cubesats d’observation Flock 2e pour renforcer la constellation de Planet Labs. Développé par la startup californienne NovaWurks, SIMPL (Satlet Initial-Mission Proofs and Lessons) est un prototype de nanosatellite modulaire, composé de six modules identiques et de deux panneaux solaires qui seront assemblés ensemble par l’équipage de l’ISS. CADRE (Cubesat investigating Atmospheric Density Response to Extreme driving) de l’université du Michigan étudiera la très haute atmosphère, tandis que MinXSS-1 (Miniature X-ray Solar Spectrometer), de l’université du Colorado à Boulder observera la Soleil. Tous deux sont des cubesats triples. Le centre spatial Ames de la Nasa a pour sa part développé les cubesats Nodes 1 et 2 (Network & Operation Demonstration Satellite) qui collecteront des mesures de radiation et testeront un logiciel de contrôle basé sur Android. Enfin STMSat 1 est le premier cubesat développé par des écoliers de primaire, en l’occurrence la St. Thomas More Cathedral School d’Arlington, avec le soutien d’éducateurs de la Nasa.
Les candidats du CRS-2
Outre Orbital ATK et SpaceX, un voire deux industriels concurrents seraient encore en lice pour le marché CRS-2. Sierra Nevada Corp. (SNC) présente une version inhabitée de son avion spatial Dream Chaser. La société du Colorado a conclu un accord de partenariat avec le DLR et OHB en Allemagne et envisagerait de
faire intervenir des industriels européens dans la production du véhicule en cas de sélection. Donné comme recalé en octobre, Lockheed Martin n’a pas confirmé son élimination et proposerait toujours son remorqueur Jupiter doté d’un bras robotique fourni par MDA au Canada et son module cargo Exoliner, développé avec Thales Alenia Space Italia sur la base du module pressurisé de l’ATV européen.
En revanche, Boeing, qui proposait une version inhabitée de sa capsule Starliner, a été officiellement écarté en novembre.