Il était 11 h 19 TU le 30 septembre. Sur les écrans du Centre des opérations spatiales de l’ESA à Darmstadt, le signal en provenance de Rosetta disparaissait. Quelque 40 minutes plus tôt, la sonde européenne s’était écrasée sur le noyau de la comète Tchouri après une lente chute de 19 km, transmettant jusqu’au bout des vues incroyables de cet astre minuscule, fossile de la création du système solaire. Mission accomplie ?
Les objectifs ont été remplis et les opérations sont achevées, mais tout n’est pas fini pour autant. La moisson de données récoltées va donner du travail à des générations de scientifiques et nourrir la compréhension de nos origines. Mais ce n’est pas tout. L’héritage de Rosetta va demeurer dans l’imaginaire collectif, où il est venu se nicher il y a deux ans quand Philae l’a précédé à la surface de la comète.
Nourrir cet imaginaire n’est pas une simple conséquence, un « bonus » de la mission, il doit en faire partie. Dans deux semaines, le démonstrateur européen Schiaparelli devrait se poser sur Mars. Il permettra certes de tester des technologies, mais sera une chance pour les Européens de se doter eux aussi d’un imaginaire martien et de ne pas laisser le champ libre au seul Elon Musk, ou aux créatifs hollywoodiens pour qui le monde se limite trop souvent aux États-Unis et à la Chine.
Ces succès doivent pousser les jeunes du Vieux Continent vers des carrières scientifiques et technologiques trop souvent délaissées. Il doit aussi amener les citoyens à soutenir les futurs investissements pour la connaissance, tels que ceux que devront consentir les ministres au conseil de l’ESA en décembre. Au-delà de la connaissance, il s’agit aussi d’un enjeu de civilisation, afin de ne pas laisser les seuls géants de la Silicon Valley s’arroger le système solaire à leur usage propre.