Ruptures

Barensky Aerospatium Edito
Stefan Barensky, rédacteur en chef d'Aerospatium.

« La politique est l’art du possible », disait Léon Gambetta. Plus qu’un appel à la raison et au pragmatisme, il s’agissait d’une apologie de l’opportunisme qui reste d’actualité un siècle et demi plus tard. L’émergence de « seigneurs de la guerre industrielle », tels qu’Elon Musk et Jeff Bezos, a causé un emballement des cycles de décision que les institutionnels classiques peinent à suivre. Alors qu’Elon Musk change ses plans plusieurs fois par an, les grandes orientations de l’ESA ne sont infléchies que tous les trois ans, et celles de l’Union européenne tous les sept ans.

Si SpaceX a réellement mis au point un superalliage aux caractéristiques rappelant le mythique « unobtainium » à la fois incroyablement léger et résistant dont ont rêvé des générations d’ingénieurs, cela pourrait à nouveau changer la donne du transport spatial. Elon Musk n’a donc pas hésité à jeter aux orties ses travaux sur les composites pour se consacrer à ce matériau, quitte à changer d’avis à nouveau dans les prochains mois.

Cette personnalisation du pouvoir industriel n’est cependant pas sans risque comme l’ont montré les déboires de Tesla en 2018. Le divorce du discret Jeff Bezos, après 25 ans de mariage, n’aurait pas dû quitter les pages people des magazines, mais lorsqu’on est l’homme le plus riche du monde ce n’est pas si simple. Quelles seront les conséquences de ce que certains appellent déjà le « divorce le plus cher du monde » sur l’avenir de Blue Origin ?

Quels que soient les soubresauts qui agiteront le secteur, les politiques institutionnelles des lanceurs devront être prêtes à s’y adapter, principalement en s’assurant de la robustesse des solutions retenues face à un vaste éventail de scénarios. Car leurs promesses n’engagent pas que ceux qui y croient, mais les économies et les politiques de nations entières, sur plusieurs générations.

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