La remise en cause par la Maison Blanche d’un équilibre géopolitique vieux de quatre-vingt ans est venu donner gain de cause à une vision politique vieille de soixante. Dans un monde où nul ne se souvient d’une époque antérieure à l’Atlantisme, il semble fort difficile d’imaginer que celui-ci ne soit pas gravé dans le marbre. Et pourtant, quelqu’un y avait pensé et avait pris des mesures préventives : le général Charles De Gaulle, lors de son second passage à l’Élysée.
Pour reprendre ses mots, il avait mis en garde contre les ennemis du pays mais aussi contre ses amis abusifs. Il ne faut pas oublier qu’il avait été témoin, de sa retraite forcée, des événements de Suez, en 1956, quand Washington et Moscou avaient transformé une victoire militaire de Paris et Londres en désastre politique.
De sa vision d’une autonomie stratégique, il nous est resté une force de dissuasion stratégique et une base industrielle et technologique de défense (BITD). Que l’on ne s’y trompe pas, cela n’a rien eu de facile, et les « dividendes de la paix » de Laurent Fabius n’ont pas aidé, pas plus que « la fin de l’Histoire » de Francis Fukuyama. Malgré ces vœux pieux, la globalisation et l’interdépendance économique de tous envers tous n’a pas été une garantie de paix dans un monde où des autocrates sans scrupule sont encore portés au pouvoir.
Depuis le lâchage de Washington, les gouvernements européens agitent des budgets de réarmement mirifiques, mais sans objet réel, car une BITD ne se décrète pas, elle doit être le fruit d’un effort sur le long terme, soutenu par une vision stratégique. Or tous veulent avant tout des armes, vite, quitte à les acheter… aux États-Unis.
C’est très clair : que demain Donald Trump soit écarté au profit d’un président plus diplomate et tous seront trop heureux de rentrer dans le rang.