Nous remercions nos lecteurs de ne pas s’être offusqués de cet innocent poisson d’avril, qui respecte une vieille tradition de la presse aéronautique et spatiale française.
La Suède a beau être un pays neutre et ne pas appartenir à l’Otan, les menaces proférées à son encontre par le maître du Kremlin au cas où elle chercherait à se rapprocher de l’alliance Atlantique ont ravivé une vieille inquiétude à Stockholm, où l’on n’a pas oublié l’ancienne menace russe puis soviétique sur la Baltique. Outre la remilitarisation de l’île de Gotland – occupée deux fois par Moscou au XVIIIe puis au XIXe siècles – l’état-major suédois à mis en alerte la Flygvapnet, l’armée de l’air nationale, et multiplié les patrouilles des avions de combat JAS-39 Gripen de Saab.
Ce surcroît d’activité aérienne ne passe pas inaperçu au pays du flygskam, au point d’attirer l’attention de plusieurs parlementaires. La Suède ayant prévu d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2045, elle prévoit d’imposer l’utilisation de kérosène mélangé à 30 % de carburants aéronautiques durables (SAF : Sustainable Aviation Fuel) dès 2030. Un ratio similaire pourrait être imposé aux appareils militaires, omniprésents au-dessus de la Baltique depuis maintenant un mois.
Le Gripen doit s’adapter au SAF
À la demande des parlementaires Torsk Sillfiskar et Olav Aret, membres à la fois de la commission de Défense et de la commission de l’Environnement et de l’Agriculture du Riksdag, l’exécutif suédois a décidé de débloquer une enveloppe spéciale de 32,6 M de couronnes suédoises (3,14 M€) dans le nouveau plan de défense en cours de remaniement depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Elle financera les premiers travaux de qualification des avions de combat de Saab aux SAF dans le cadre d’une nouvelle initiative technologique baptisée Remora (Reviderad motorrengör avgas).
Si les moteurs aéronautiques civils sont qualifiés pour fonctionner à 50 % aux SAF, ce n’est pas le cas pour les moteurs militaires, aussi l’avionneur Saab et le motoriste GKN Aerospace (ex-Volvo Aero) vont-ils collaborer pour identifier les adaptations à apporter au moteur RM12 (variante du F404 de GE Aviation) et surtout à son circuit d’alimentation à bord du Gripen.
Plus encore que pour les avions de combat eux-même, le passage au SAF pourrait poser des difficultés au niveau des avions ravitailleurs en vol si tout leur équipement de transfert était à revoir, les SAF s’étant révélés nocifs pour certains modèles de joints. Les deux Lockheed C-130H dont dispose la Flygvapnet pour ce rôle utilisent des nacelles de ravitaillement externes dont de nouveaux modèles, spécialement adaptés, pourraient être développés par GKN. L’achat de drones ravitailleurs MQ-25 Stingray de Boeing, lorsque ceux-ci seront disponibles à l’export, aurait aussi été évoqué.
Filières locales
Autre problème, la filière SAF n’est pas encore suffisamment développée en Suède pour subvenir aux besoins de la Flygvapnet. Des sources alternatives aux huiles de cuisson qui forment l’essentiel de la matière première pour la réalisation des SAF de type HEFA (Hydroprocessed Esters and Fatty Acids) sont à l’étude. Les surplus d’alcools blancs distillés (bränwinn) pourraient être mis à profit, et en particulier les stocks de vodka – des marques Absolut et Explorer – non exportés du fait de la fermeture du marché russe.
Le retraitement du Surströmming, préparation de hareng fermenté riche en acide propanoïque et en acide butyrique, serait aussi une solution prometteuse, mais elle devrait faire l’objet de dérogations dans le cadre de la réglementation Reach (Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals) de la Commission européenne qui limite l’usage industriel de certains produits toxiques. Une autorisation spéciale de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) pourrait aussi être nécessaire, car le Surströmming, dont le transport en avion a été interdit en avril 2006 par plusieurs compagnies (notamment Air France, British Airways, Finnair et KLM), pourrait contrevenir aux provisions de la Convention de Paris de 1997 sur les armements chimiques.
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