Les temps sont durs pour Zodiac. La conférence de presse de présentation des résultats annuels a tourné à l’explication de texte pour le président du directoire Olivier Zarrouati.
« Ces chiffres ne nous plaisent pas. C’est un exercice qui ne nous satisfait pas », a-t-il reconnu devant un parterre d’analystes venus décortiquer les résultats du groupe pour l’exercice décalé 2014/2015. Si le chiffre d’affaires a progressé de 18 % conformément aux prévisions, à 4,9 Md€, cette hausse cache en fait principalement des effets positifs de change, la croissance organique groupe n’étant que de 2,6 %. Le résultat opérationnel courant s’est effondré de 44 % à 314,1 M€ et le bénéfice net a reculé à 184,8 M€. La dette a continué à progresser, lourdement impactée par les surcoûts de 335 M€ provoqués par les retards de livraisons des sièges.
Les sièges, justement, sont le point noir de l’exercice. Ils ont précipité Zodiac dans la crise. De 6 000 sièges de retard en mars (chez Zodiac un « siège » est en fait égal à un rang de trois fauteuils), Zodiac avait réussi à réduire le stock à 1 700 sièges en juin, avec la promesse d’avoir résorbé tout le retard en septembre. Une promesse non tenue : en novembre, au moment de la publication des résultats, il restait encore 500 sièges non livrés. « Notre première attention est sur nos clients, c’est la priorité absolue, notre situation est inacceptable, » a martelé Jean-Michel Billig, le nouveau directeur de la division sièges de Zodiac, celui qui mène la bataille au plus près du problème.
Une revue des pratiques
Après le premier avertissement en mars, Zodiac a lancé une grande revue des pratiques de l’entreprise. « Il faut revenir quelques années en arrière, » a expliqué Jean-Michel Billig. « L’énorme succès en classe éco et en business de l’entreprise n’a pas été suivi par une préparation industrielle à la hauteur, » a-t-il souligné. Zodiac s’est ainsi retrouvé en manque de compétences en ingénierie, une faiblesse qui s’est aggravée avec le renforcement drastique des exigences réglementaires. À ce manque de ressources se sont ajoutés des problèmes de gestion de programmes qui ont entraîné des retards. « Ce succès commercial a renforcé l’appel sur la chaîne d’approvisionnement et a révélé ses faiblesses, » a décrit le directeur de la division. Autre point clef de la crise actuelle, un manque de « liant » entre les équipes de terrain et la direction centrale a caché pendant trop longtemps les difficultés qui existaient au sein des usines. Zodiac s’est donc lancé dans une analyse exhaustive des problèmes, en s’appuyant sur les analyses de ses clients, de cabinets de consultants externes et de beaucoup de travail en interne. « Depuis septembre nous ne découvrons plus de problèmes racines », a encore expliqué Jean-Michel Billig, confirmant en même temps que l’été avait été plein de mauvaises surprises.
Changement des modes de gestion
De cette revue complète des pratiques et des performances est sorti le plan Focus, qui doit s’étendre sur dix-huit mois. Première mesure immédiate : le changement des modes de gestion, afin que l’état-major soit beaucoup plus réactif et renseigné sur la situation réelle des structures de production, qui possédaient jusqu’à présent une très grande autonomie. Une grande revue des compétences a également été lancée et a permis de lister les bonnes pratiques au sein de l’entreprise. Prenant enfin la mesure de la forte croissance de la charge de travail, l’équipementier a décidé d’augmenter ses capacités, et de transférer des productions vers des usines moins chargées. L’entreprise va donc embaucher afin de renforcer ses capacités de développement.
Du côté des perspectives, Olivier Zarrouati n’a pas voulu donner de faux espoirs. À tel point que ses prévisions ont été jugées « excessivement prudentes » par certains analystes. Le groupe table sur une marge opérationnelle de 10 % pour l’exercice 2015/2016 et une amélioration de deux points pour l’exercice suivant, sans plus de précision.
Une année globalement décevante
La période difficile que traverse le groupe est présentée par Zodiac d’abord comme une crise de croissance. L’industriel a grandi trop bien et trop vite, sans adapter son modèle – le rachat d’entreprises spécialisées dans des niches – à son envergure. Mais au-delà du problème des sièges, qui au vu des moyens mis pour le résoudre, devrait être rapidement oublié, le groupe n’a pas vécu une année formidable.
La croissance organique a marqué le pas, et l’entreprise a subi les problèmes rencontrés sur les grands programmes où il est présent. Les retards du CSeries de Bombardier, pour lequel Zodiac produit les systèmes électriques, ont entraîné un dépassement des frais de développement, rencontrés également pour le Bombardier G7000 et le Soukhoï SSJ100, dont le premier appareil n’a été livré qu’en novembre à Aeroflot.
Yannick Assouad, responsable de la division cabine, a reconnu le poids des charges très importantes sur le carburant accompagnant les frais de qualification et de certification, sans compter les budgets de recherche et développement qui finissent par incomber à l’équipementier lorsque le maître d’œuvre est en difficulté.
Le résultat de tous ces déboires sont une dette en hausse de 200 M€, pour atteindre 1 267 Md€, et un fort accroissement des surcoûts en développement et en pénalités pour les retards de livraisons.
Des fondamentaux encourageants
Une fois le bilan de cette année fait, Zodiac possède les atouts pour se sortir de ce mauvais pas. Le directoire a confirmé Olivier Zarrouati a son poste et l’actionnariat familial a été renforcé en juin par l’entrée du fonds stratégique de participation (FSP), qui doit investir sur le long terme. Zodiac a joué la transparence avec ses investisseurs et les analystes, et a réussi à se reprendre en bourse, regagnant 2,34 % au lendemain de la publication des résultats qui l’avait vu plonger de près de 10 %.
Surtout, le groupe garde confiance dans son business model. Il peut compter sur les perspectives du secteur et le millier d’appareils d’ores et déjà commandés. Présent sur toutes les grandes plateformes, Zodiac reste leader sur certaines niches très spécifiques. La mise en place d’une « Université Zodiac » pour mettre en valeurs les compétences de l’entreprise devrait aussi l’aider à réussir sa transformation.
Afin de retrouver la confiance du secteur, il serait néanmoins utile à l’entreprise que les retards de livraisons de sièges soit résorbée lors de la présentation des résultats du premier trimestre le 15 décembre prochain.
Cet article a été publié dans le numéro 0.2 d’Aerospatium, daté du 28 novembre 2015.